La maison du pays d'Auray porte le nom du Roi Stevan (ti er roué Stevan, en référence à un prophète mendiant qui vécut en pays vannetais au siècle des lumières, et qui marqua profondément la mémoire de ce pays. L'association Ram'Dam assure son animation, par des actions de collectage, mais aussi en suscitant des rencontres lors de manifestations comme les quartiers de lune. 

 

Chronique des murets de Pierre
Elved suhun a dilost-hañv
Deuxième semaine de l'automne
27 septembre - 3 octobre 2002

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« …et un jour viendra où tout ceux qui seront à l’ombre de la tour seront préservés... »
(prophétie du Roi Stevan)

Il faisait chaud ce dimanche soir. On était le 29 septembre, c'était la Saint-Michel et l'été qui portait son nom jouait les prolongations. En arrivant de Locoal-Mendon, j'avais pris la route qui mène à Locmaria. En ce joli coin de Ploemel, dans la magnifique chapelle, un concert était donné : Soïg Sibéril tel un magicien des sons, avait su une nouvelle fois envoûter son public. La chapelle, remplie comme au jour du pardon, vibrait à l'unisson. Pourtant, en cette ambiance sereine, un détail m'interpella, signe d'un changement de temps. C'est Jean Quer, patron pêcheur et poète gâvrais qui m'avait appris à le discerner. Il y avait un «œil» dans le ciel. C'est ainsi qu'appellent les marins, cette petite trouée blafarde qui tel un œil de mauvais augure annoncent un  changement de temps. Il est vrai que le ciel s'était légèrement voilé en cette fin d'après-midi dominical...

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Et le plaisir des "bonbons-gredans"

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Le concert de Soig Sibéril à Locmaria en Ploemel

Les éléments allaient-ils se déchaîner ? La nature avait soif et les hortensias autour de la chapelle avaient fané un peu précocement.

Vers 13 heures, le feu avait pris dans le bois de Penhoët à Locoal. Cinq hectares de landes et de pins étaient partis en fumée. De l'avis même des pompiers, il n'y avait pas eu, cette année, de feu d'une telle ampleur dans le département. La nature criait grâce et cet œil, tel celui d'Abel dans la tombe, était là qui me regardait. Cahin-caha, je poursuivis ma route vers Kerléau. Monique qui avait sans doute eu pitié de moi, m'avait invité à manger l'andouille chaude.

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Le feu à Penhoet, entre Saint-Jean et le bourg de Locoal

Le lendemain, lundi, à 8h44, un sourd grondement se fit entendre. Les murs des maisons se mirent à trembler, les verres à teinter, des objets à tomber. Cela dura quelques secondes qui semblèrent une éternité. Je crus un instant que c'était l'orage et je pensai à l'œil. Je n'eus ni le réflexe de chercher un refuge ni celui de chanter le «Dies-irae». Je fus comme tout un chacun, littéralement pétrifié : il s'agissait d'un tremblement de terre, 5.4 sur l'échelle de Richter... du rarement vu dans la région. Ainsi donc notre vénérable socle granitique était lui aussi ébranlable ! Un mythe allait-il s'effondrer telle la seule cheminée victime du séisme que les télévisions avaient pu dénicher du côté de Languidic près de l'épicentre ?


La tour de Sainte-Anne, par Lucien Poédras

Que nenni ! Le Roi Stevan avait bien dit : à l'ombre de la tour, au pays de Sainte-Anne, rien ne pouvait nous arriver. D'ailleurs, à l'aube du troisième jour, c'est le tonnerre  qui nous a réveillé et là encore ,les sourds grondements annonciateurs d'un déluge ne furent que le prélude à une pissette de chat. Seules quelques gouttes de pluie tentèrent en vain  de chasser la poussière.

L'eau... la terre... le feu... les trois éléments de la celtique trilogie étaient pourtant réunis mais ce que j'avais vu dans le ciel, à défaut d'être maléfique, n'était sans doute qu'un simple clin d'œil.

En tout cas, j'ai eu le privilège d'assister à une reconstitution épique du séisme dans un des bars situés à l'épicentre du bourg de Pluneret. Une de nos gloires locales encore sous le coup de l'émotion s'évertuait à glisser un énième fois de son tabouret de bar en crochant d'une main soudain raffermie son énième verre de rosé,  répétant jusqu'à plus soif le geste aussi précis qu'instinctif qu'il avait pratiqué lors des secondes fatidiques. Il se plaisait ainsi à raconter une énième fois à l'assistance hilare «son séisme» : pas un verre de cassé ! pas une goutte de perdue ! Y'avait -il un Bon Dieu pour les ivrognes, où était-ce la protection de Saint-Anne ?