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<< Page de la semaine >> En ce jour, mardi 8 octobre était enterrée à Plouhinec, Marie-Joséphine Le Maguer, 99 ans, la dernière repasseuse et brodeuse de coiffes du canton. La vieille demoiselle s'en est allée rejoindre ses frères et sœurs. Elle était la dernière de la nichée qui avait vu le jour du côté de Sainte Hélène. La maman était morte toute jeune laissant derrière elle toute une ribambelle qui fut placée dans de la famille aux quatre coins du canton. Elle perdit son frère aîné à la guerre de 14... Rendez vous compte ! et celle qui paraissait le plus fragile des oisillons s'en est allée en 2002, à l'aube d'un autre millénaire. Curieuse destinée que celle de cette petite Joséphine qui resta handicapée à vie pour une banale fracture au pied. Il est vrai qu'à l'époque, il n'y avait pas de médecin et elle fut mal soignée même par le rebouteux. On dit souvent que les gens qui ont un handicap le compense par un autre don : elle avait celui de chanter et celui de broder. Elle apprit donc à faire les coiffes et sa réputation dépassa largement les limites du canton. On l'appelait affectueusement «Nénenne Bouton» même si cela ne lui plaisait pas toujours. C'était ainsi parce qu'elle tenait une minuscule mercerie à Kercam près du cimetière. On est passé devant cet après-midi en se disant qu'elle n'avait certainement pas pu compter tous les convois funèbres qui étaient passés à son seuil. La petite dame y a travaillé toute sa vie, brodant et repassant. Il y avait en permanence sur un coin de sa table, le fer à repasser et les torchons blancs qui lui servaient à emprisonner les coiffes pour les repasser. Je revois encore cette assiette creuse jaunie et la petite casserole en aluminium qui lui servait à préparer l'amidon d'un blanc bleuté, ingrédient indispensable à la délicate opération. La dernière fois que je l'ai vue, c'était à Gâvres... au foyer-logement. Elle y a passé ses dernières années. Elle chantait en breton en compagnie de Bébert Cado, un gars du pays, presqu'un voisin, pour un petit garçon, un arrière petit-neveu qui lui aussi lui avait chanté en breton. Elle était toute contente et s'était sans doute dit que la tradition n'était pas tout à fait éteinte. Je suis resté papoter un peu avec les gens du pays... ceux que je ne vois désormais que pour les enterrements. On s'est même dit qu'il serait peut-être préférable de se rencontrer autrement... pour des petites fêtes par exemple et pourquoi pas autour d'un poudad, le plat national. Comme c'était la grande marée ces jours-ci et que malgré tout, la vie continue, j'ai eu droit à une godaille de crabes pour rentrer à la maison. Je ne suis pas rester traîner malgré l'invitation au café d'après l'enterrement même si ce n'est pas toujours triste. Je suis passé chez Lili à Kerhune : échange de bons procédés ou don et contre-don comme diraient les ethnologues. Dans notre ethnie à nous, celle des rats de côtes, on échange sa pêche. Je suis donc reparti avec un pochon de crabes, quelques dormeurs et des chèvres... des étrilles si vous préférez. Je lui ai laissé des huîtres, des plates pêchées aux Sables-Blancs à Plouharnel. Il y avait 116 de coefficient et le beau temps persistant a fait que çà a bien déchalé. Il n'y avait qu'à se baisser pour remplir le seau. En plus, elle étaient meilleures qu'à la marée de septembre : plus grasses et plus fraîches. Pour les creuses par contre, ce n'est pas terrible. Il fait beau alors elles se croient en été et elles n'ont pas encore délaité. C'est le gars qui vend les huîtres au bourg de Pluneret le dimanche matin qui m'a dit çà et, en plus, dans le golfe, il y a des méduses, des grosses comme celles que l'on voit en été. Le roi Stevan avait bien dit : «Il viendra un temps où on ne connaîtra plus les saisons.» J'en suis resté «bamé»... çà veut dire médusé en bon français. |
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