La maison du pays d'Auray porte le nom du Roi Stevan (ti er roué Stevan, en référence à un prophète mendiant qui vécut en pays vannetais au siècle des lumières, et qui marqua profondément la mémoire de ce pays. L'association Ram'Dam assure son animation, par des actions de collectage, mais aussi en suscitant des rencontres lors de manifestations comme les quartiers de lune. 

 

Chronique des murets de Pierre
Hwehved suhun a dilost-hañv
Sixième semaine de l'automne
24 - 31 octobre 2002

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J'ose à peine m'arrêter à La Trinquette chez Marie-Thé... pas plus d'ailleurs que chez Marie-Annick au bar des Sports. J'ai trop peur que l'on me demande si j'ai trouvé des cèpes. Absent du pays, je n'ai pas eu le temps d'aller flairer dans les taillis et ma solide réputation risque de prendre un coup. On ne peut pas dire que la saison soit terrible cette année. Elle a en tout cas, débuté bien tard, été indien oblige. Pourtant dans le Télégramme, ils ont montré la photo d'un gars de Merlevenez : 2kg500 qu'il faisait son cèpe, 33 cm de haut et un mètre dix de diamètre... et pas un ver !

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Le Télégramme, 26 octobre 2002

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Tout çà c'est bien possible. On veut bien croire. D'ailleurs, il est en photo dans le journal. Mais, pour le reste, on se demande s'il ne raconte pas des «conneries», pour reprendre l'expression de Charlot. Ce dernier, comme tout bon chercheur de cèpes qui se respecte, a bien tenté l'expérience comme tout le monde. Qui n'a pas trouvé un cèpe minuscule et tenté de le laisser pousser un jour ou deux pour voir s'il grossit. Moi aussi, j'ai tenté le coup deux ou trois fois mais, peine perdue... De toute façon, mon grand-père m'avait dit que çà ne valait pas le coup, que çà ne marchait jamais... Et pourtant, l'autre fiérot dans le journal prétendait qu'il avait attendu une dizaine de jours pour arriver à ce mirifique résultat !

Autour du comptoir, on alors commencé à persifler, distillant des propos vénéneux comme une amanite sur celui qu'on qualifia d'emblée «d'imposteur et de menteur». Sans doute était-ce la jalousie qui nous faisait tonitruer de la sorte à l'encontre de «ce poch geuiér» mais quand même, on imaginait «ce couillon de la lune, jour et nuit pendant dix jours, son fusil sur les genoux, ravitaillé en pâté Hénaff par sa femme, le kilo de rouge dans la musette, avec un parapluie pour abriter son champignon s'il pleuvait trop, une bombe insecticide pour dégommer les asticots... etc. etc.».

Qu'est ce qu'il a pris avec nous le pauvre gars ! Et tant pis pour lui si c'était vrai car nos conclusions à nous sont simples. Nous sommes, ou du moins nous nous considérons comme tels, d'éminents mycologues. Après avoir mis en commun nos observations de spécialistes, nous sommes certains qu'un cèpe ne continue pas à grandir : «Il pousse en une seule fois et est programmé pour être gros ou petit, un point c'est tout. Un cèpe ne grandit pas. Il pousse et cette poussée est unique (aussi unique d'ailleurs que la pensée unique que nous avons sur le sujet). «D'ailleurs personne n'a jamais vu un cèpe pousser et on ne comprend pas qu'un gars de Merlevenez serait différent des autres et surtout plus malin que nous».

De toute façon, les champignons ont un côté magique indéniable. J'allais même dire maléfique ou diabolique. On les appelle en breton «potiron» ou bien encore «tok-toseg», chapeau de crapaud. A défaut d'être assimilé à la famille des coloquintes, le «potiron» rentrerait donc par le biais du breton dans la catégorie des végétaux magico-religieux. Dieu soit loué ! Malgré cela, l'éditorialiste de notre Ouest-France national ne nous en a pas interdit la cueillette. Et pourtant, son verbe fut redoutable à l'égard des pauvres creuseurs de citrouilles que nous sommes tous devenus depuis la mondialisation de la fête d'halloween. Pourtant, les ateliers citrouilles ont fleuri partout dans le pays et notre quotidien local en a grandement profiter pour meubler ses colonnes. «Vade rétro Satanas». Il n'y a pas si longtemps pourtant, si j'en crois nos grand-mères, les prêtres eux mêmes n'étaient pas les derniers à pratiquer les sciences occultes ou autre magie blanche et à terroriser leurs pauvres paroissiens. A quand les autodafés de citrouilles ?  Et c'est peut-être un soir d'Halloween, que des taggeurs ont réalisé la célèbre danse macabre de l'église de Kernascléden.

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La danse macabre, dans le transept sud de l'église de Kernascléden (XVè siècle)
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Afin de lutter contre la mondialisation et contre la généralisation des pratiques coloquintesques, Ram'Dam a décidé de rompre avec le mouvement ambiant renouant avec les ancestrales pratiques de Kalan-Gouian. Les cucurbitacées ont donc été remisés dans les paniers dit «de saison» et en décoration version «nature morte». Nous nous sommes, avec délice, repliés sur nos bonnes vieilles betteraves fourragères, pour nous amuser comme nos grands-pères. A défaut d'être satanico-celtico-américano-paganique, le résultat fut surtout très drôle.