Et voilà, c’est l'été et avec lui arrivent les premiers
beaux jours car, il faut bien le reconnaître, le printemps n’a pas été très gai.
La nature est bien verte, un vert écrasant qui laisse à peine place au violet des dernières digitales et au
blanc des fleurs de sureau. La saison des foins débute et sur les premières coupes, le vert tendre d’un
regain se dispute à la blondeur pâlichonne des prés annonciatrice d’un blond
doré qu’un soleil enfin généreux nous laisse désormais espérer. Lucien
Blanchet, dit Lulu le Bosco, m’avait bien dit : c’est un orage de mer, le
mauvais temps va durer jusqu’au 21.
Dimanche, c’était le pardon de la Saint-Jean au village de
Kerorang à Crac’h. C’est un gars du bourg qui a sonné la cloche, pas assez
énergiquement au goût du bedeau qui lui a demandé d’accélérer la cadence et de
faire preuve de plus d’allégresse. La chapelle était pleine, un bébé répondant
au joli prénom d'Aymeric, a été baptisé. Le feu de joie a pétaradé dans la
bonne humeur. Les vaches à Bernard qui assistaient à l’événement ont attrapé le
gwall awell. Les gens du quartier
avaient fait du far et tout le monde a pu le goûter après la cérémonie. Il y a
longtemps qu’il n’y avait pas eu une telle assistance et monsieur le recteur,
Jean-Eudes de son prénom, était bien content. Phine Le Baron, la gardienne de
la clé a chanté une chanson en breton, une chanson sur les pommiers. Monique Le
Gloahec de Kerléau, est restée traîner et papoter avec les voisins et André
Baron lui a offert un plein panier de cerises aigres, les meilleures pour faire
les «bonbons gredans». Le jour
même, les mignonnes non équeutées (c’est plus facile pour les attraper au fond
des tasses) commençaient leur lente macération dans l’eau-de-vie de chez Armel
Le Falher de Poulguénan en Ploemel, ravies de se laisser déguster lors de la
prochaine saison des Quartiers de lune. C’est cette semaine que Monique a
ramassé ses premières cerises, des cœurs de pigeon.

Annkrist
avec Monique Le Gloahec et Serge Bellego à Kerivin.
Le 18 juin, nous étions à Kérivin à Ploëmel sous le hangar
de Serge Bellego pour le concert d’Annkrist. La soirée s’est terminée sous
notre astre fétiche en sirotant les fameuses liqueurs et pour clôturer le tout,
l'engoulevent est passé. Mon grand-père l'appelait er ranneg, sans doute
à cause de son curieux chant. J'aime beaucoup rencontrer cet étrange passereau,
peut-être parce qu’il est, comme moi, un oiseau de nuit. En tout cas, on ne le
voit pas souvent. La seule fois que j’ai découvert son nid, c'était à
Saint-Anne d’Auray en 1973, au Bois qui pue, derrière le cimetière, un
bois de pins qu’on appelait ainsi car les gens y jetaient leurs ordures. En
voilà un qui ne s'enquiquine pas pour faire son nid. Il gratte juste un peu le
sol sous les fougères pour y pondre deux œufs. Depuis, je n’en ai pas trouvé
mais je suis sûr qu’il niche à Crac'h tous les ans car je le vois souvent
décoller d'une petite route de campagne. Il s’y repose sur le goudron sans
doute pour bénéficier de la chaleur accumulée dans la journée. Si une nuit,
vous levez un oiseau qui ressemble à un coucou au vol fébrile et qui laisse
apparaître son œil rouge vif dans la lueur des phares de votre voiture, vous
saurez que c’est lui.

En passant au bourg de Pluneret, je me suis arrêté boire un
coup chez Marie-Thé à la Trinquette. Bernard Lainé de Mériadec a trinqué avec moi
et on a parlé «champignons».
En la matière, c’est mon concurrent le plus direct. Il m’a
piqué au vif en me montrant sa godaille de girolles et le cèpe qu’il avait
ramassé. Du coup, j’ai été faire mon petit tour et j’en ai ramassé autant. Non
mais !!! On a failli se faire
traiter de menteurs sous prétexte que les cèpes ne poussent qu’en automne...
les
gens n’ont qu'à croire ce qu'ils veulent. Nous, on sait ce qu’on a dans nos
assiettes. Celui qui pousse en cette saison, c’est le cèpe d’été... l'an passé,
j'en avais trouvé sept mais je ne vous dirai pas où, début août, la veille de
la noce bretonne. En terme savant, on l’appelle «boletus aestivalis», un brin
plus clair mais tout aussi bon que son compère d’automne, le «boletus edulis»
communément appelé cèpe de bordeaux. Les pieds rouges, ceux qui bleuissent
quand on les prépare, ont aussi commencé
à «pointer leur nez... ceux-là, y’a pas beaucoup qui les ramasse
car les gens croient qu’ils sont poison». En tout cas, Nanard et moi, on
rigole bien. Il a même offert une godaille à Marie-Thé et à Marie-Annick du Bar
des Sports.
J’ai d’ailleurs traversé la route au risque de me faire
écraser dans ce sacré virage du bourg de Pluneret, pour remettre la tournée en
face. Là, j’ai eu l'impression de me retrouver au bar de la Marine ou plutôt,
sous la criée. Tous les vendredis, y’a un gars d’Erquy qui vient livrer des
araignées et chacun peut passer commande. Il n’y a plus qu’à passer avec
sa bassine, sa gamelle ou son pochon comme on dit chez nous. J’ai
assisté alors à une discussion très technique sur la durée de cuisson du fameux
crustacée. Si tout le monde s’accorde à dire qu’il faut à peu près un quart
d’heure pour qu’il soit parfait, certains clients étaient beaucoup plus
précis : douze minutes, quatorze, quinze…le plus méticuleux restera quand
même Michel Le Garff avec un seize minutes trente qui a tout de la rigueur d’un
scientifique. Alors, gros sel ou sel fin ? avec ou sans feuille de laurier ?
c’est Marie-Annick qui aura le dernier mot : quatorze minutes si on veut
le manger rapidement et dix-sept si on souhaite le conserver quelques jours. En
tous les cas, la saison semble toucher à sa fin car Charlot en a trouvé deux
sur quatre qui commençaient à avoir des peaux à l’intérieur.
J’ai donc repris la route vers Pluvigner et du côté de la
Croix-Jégado, j’ai croisé Dame belette. Elle traversait la route le nez en
l’air. Il paraît que c’est signe de vent, ça fera sécher le foin... Du côté de
Kermel, un cultivateur en profitait pour passer la faneuse.