La maison du pays d'Auray porte le nom du Roi Stevan (ti er roué Stevan, en référence à un prophète mendiant qui vécut en pays vannetais au siècle des lumières, et qui marqua profondément la mémoire de ce pays. L'association Ram'Dam assure son animation, par des actions de collectage, mais aussi en suscitant des rencontres lors de manifestations comme les quartiers de lune. 

 

Chronique des murets de Pierre
EN ALMANAC
Suhun devehañ a-viz even

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Nend eo ket ur gwignéli a hra an hañv
Nag ur bar awel ar gouiañv

L'été ne se fait d'une seule hirondelle,
Pas plus que d’un coup de vent l’hiver.

Lucien Pouedras 2002

    Et voilà, c’est l'été et avec lui arrivent les premiers beaux jours car, il faut bien le reconnaître, le printemps n’a pas été très gai. La nature est bien verte, un vert écrasant qui laisse à peine  place au violet des dernières digitales et au blanc des fleurs de sureau. La saison des foins débute et sur  les premières coupes, le vert tendre d’un regain se dispute à la blondeur pâlichonne des prés annonciatrice d’un blond doré qu’un soleil enfin généreux nous laisse désormais espérer. Lucien Blanchet, dit Lulu le Bosco, m’avait bien dit : c’est un orage de mer, le mauvais temps va durer jusqu’au 21.

    Dimanche, c’était le pardon de la Saint-Jean au village de Kerorang à Crac’h. C’est un gars du bourg qui a sonné la cloche, pas assez énergiquement au goût du bedeau qui lui a demandé d’accélérer la cadence et de faire preuve de plus d’allégresse. La chapelle était pleine, un bébé répondant au joli prénom d'Aymeric, a été baptisé. Le feu de joie a pétaradé dans la bonne humeur. Les vaches à Bernard qui assistaient à l’événement ont attrapé le gwall awell.  Les gens du quartier avaient fait du far et tout le monde a pu le goûter après la cérémonie. Il y a longtemps qu’il n’y avait pas eu une telle assistance et monsieur le recteur, Jean-Eudes de son prénom, était bien content. Phine Le Baron, la gardienne de la clé a chanté une chanson en breton, une chanson sur les pommiers. Monique Le Gloahec de Kerléau, est restée traîner et papoter avec les voisins et André Baron lui a offert un plein panier de cerises aigres, les meilleures pour faire les «bonbons gredans».  Le jour même, les mignonnes non équeutées (c’est plus facile pour les attraper au fond des tasses) commençaient leur lente macération dans l’eau-de-vie de chez Armel Le Falher de Poulguénan en Ploemel, ravies de se laisser déguster lors de la prochaine saison des Quartiers de lune. C’est cette semaine que Monique a ramassé ses premières cerises, des cœurs de pigeon.

    Annkrist avec Monique Le Gloahec et Serge Bellego à Kerivin.

    Annkrist avec Monique Le Gloahec et Serge Bellego à Kerivin.

    Le 18 juin, nous étions à Kérivin à Ploëmel sous le hangar de Serge Bellego pour le concert d’Annkrist. La soirée s’est terminée sous notre astre fétiche en sirotant les fameuses liqueurs et pour clôturer le tout, l'engoulevent est passé. Mon grand-père l'appelait er ranneg, sans doute à cause de son curieux chant. J'aime beaucoup rencontrer cet étrange passereau, peut-être parce qu’il est, comme moi, un oiseau de nuit. En tout cas, on ne le voit pas souvent. La seule fois que j’ai découvert son nid, c'était à Saint-Anne d’Auray en 1973, au Bois qui pue, derrière le cimetière, un bois de pins qu’on appelait ainsi car les gens y jetaient leurs ordures. En voilà un qui ne s'enquiquine pas pour faire son nid. Il gratte juste un peu le sol sous les fougères pour y pondre deux œufs. Depuis, je n’en ai pas trouvé mais je suis sûr qu’il niche à Crac'h tous les ans car je le vois souvent décoller d'une petite route de campagne. Il s’y repose sur le goudron sans doute pour bénéficier de la chaleur accumulée dans la journée. Si une nuit, vous levez un oiseau qui ressemble à un coucou au vol fébrile et qui laisse apparaître son œil rouge vif dans la lueur des phares de votre voiture, vous saurez que c’est lui.

    engoulevent

    En passant au bourg de Pluneret, je me suis arrêté boire un coup chez Marie-Thé à la Trinquette. Bernard Lainé de Mériadec a trinqué avec moi et on a parlé «champignons».

    En la matière, c’est mon concurrent le plus direct. Il m’a piqué au vif en me montrant sa godaille de girolles et le cèpe qu’il avait ramassé. Du coup, j’ai été faire mon petit tour et j’en ai ramassé autant. Non mais !!!  On a failli se faire traiter de menteurs sous prétexte que les cèpes ne poussent qu’en automne... les gens n’ont qu'à croire ce qu'ils veulent. Nous, on sait ce qu’on a dans nos assiettes. Celui qui pousse en cette saison, c’est le cèpe d’été... l'an passé, j'en avais trouvé sept mais je ne vous dirai pas où, début août, la veille de la noce bretonne. En terme savant, on l’appelle «boletus aestivalis», un brin plus clair mais tout aussi bon que son compère d’automne, le «boletus edulis» communément appelé cèpe de bordeaux. Les pieds rouges, ceux qui bleuissent quand on les prépare,  ont aussi commencé à «pointer leur nez... ceux-là, y’a pas beaucoup qui les ramasse car les gens croient qu’ils sont poison». En tout cas, Nanard et moi, on rigole bien. Il a même offert une godaille à Marie-Thé et à Marie-Annick du Bar des Sports.

    J’ai d’ailleurs traversé la route au risque de me faire écraser dans ce sacré virage du bourg de Pluneret, pour remettre la tournée en face. Là, j’ai eu l'impression de me retrouver au bar de la Marine ou plutôt, sous la criée. Tous les vendredis, y’a un gars d’Erquy qui vient livrer des araignées et chacun peut passer commande. Il n’y a plus qu’à passer avec sa bassine, sa gamelle ou son pochon comme on dit chez nous. J’ai assisté alors à une discussion très technique sur la durée de cuisson du fameux crustacée. Si tout le monde s’accorde à dire qu’il faut à peu près un quart d’heure pour qu’il soit parfait, certains clients étaient beaucoup plus précis : douze minutes, quatorze, quinze…le plus méticuleux restera quand même Michel Le Garff avec un seize minutes trente qui a tout de la rigueur d’un scientifique. Alors, gros sel ou sel fin ? avec ou sans feuille de laurier ? c’est Marie-Annick qui aura le dernier mot : quatorze minutes si on veut le manger rapidement et dix-sept si on souhaite le conserver quelques jours. En tous les cas, la saison semble toucher à sa fin car Charlot en a trouvé deux sur quatre qui commençaient à avoir des peaux à l’intérieur.

    J’ai donc repris la route vers Pluvigner et du côté de la Croix-Jégado, j’ai croisé Dame belette. Elle traversait la route le nez en l’air. Il paraît que c’est signe de vent, ça fera sécher le foin... Du côté de Kermel, un cultivateur en profitait pour passer la faneuse.

Lucien Pouedras 2002