La maison du pays d'Auray porte le nom du Roi Stevan (ti er roué Stevan, en référence à un prophète mendiant qui vécut en pays vannetais au siècle des lumières, et qui marqua profondément la mémoire de ce pays. L'association Ram'Dam assure son animation, par des actions de collectage, mais aussi en suscitant des rencontres lors de manifestations comme les quartiers de lune. 

 

Chronique des murets de Pierre
Pederved suhun hañveg
Quatrième semaine de l'été
12 - 19 juillet 2002

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 Guel é bout pel doh er vorh
Ha bout tost doh en dorh.

Mieux vaut être loin du bourg
Et être près du pain

Selon l’almanach de la mémoire et des coutumes de Bretagne de Claire Tiévant, la faux dans notre région, était emmanchée sur un bois de saule. Pour faire contrepoids à la lame, l’extrémité opposée de la faux était terminée par un bout pointu en fer que l’on fichait en terre pour aiguiser la lame de l’instrument. On aiguisait les faux avec une pierre que les paysans portaient sur eux dans une corne suspendue entre les jambes. Cet usage permettait aux faucheurs les plus talentueux de se distinguer : ils faisaient frapper leur lame entre chaque coup de faux contre la pierre, de manière à obtenir des sons agréables et cadencés.

Dans la région de Grand-champ, plusieurs menhirs étaient attribués à Gregam Tual, le géant du coin qui s’en servit pour aiguiser sa faux... Grégam Tual... Gargantua, il y a certainement une analogie entre ces deux personnages et nul ne sait si c’est la légende populaire qui a inspiré Rabelais ou si c’est l’illustre écrivain qui a suscité une adaptation locale de son fameux personnage.

En tout cas, la saison s’annonce excellente pour la moisson. Le soleil rouge désormais bien présent, a pu donner au blé cette couleur beige clair annonciatrice de sa maturité. Les moissonneuses-batteuses au ronronnement si particulier, ont repris leur ronde annuelle laissant dans leur sillage poussiéreux bottes et round-ballers. Selon un ancien de Sainte-Anne d’Auray dont les propos m’avaient été rapportés par Monsieur Monnier, le Roi Stevan avait fait cette curieuse prophétie : «Un temps viendra où l’on verra dans les champs, de gros chevaux rouges aux gros yeux jaunes travailler la nuit dans les champs». Sans doute décrivait-il alors ces monstres agricoles travaillant jour et nuit, à plein rendement, rompant ainsi avec les rythmes ancestraux, dans une logique de productivité accrue par l’irruption de la modernité.

En passant par Kernitra en Pluneret, je me suis dit que ce petit coin méritait sans doute un autre nom. En effet, ce village de «rien», c’est ainsi que cela se traduit en français pourrait s’appeler «Kerbezou», car on y voit de jolies choses. J’y ai en effet croisé le pivert. Son cri en éclat de rire m’a surpris. Je l’avais effrayé dans le chemin creux où il se gavait des pauvres habitantes d’une fourmilière, qui constituent un de ses mets préférés. Il m’a rappelé une bien jolie histoire, celle de son voyage avec la huppe fasciée. Le 21 mai dernier, j’avais entendu ses «houp houp houp» flûtés. Elle était perchée dans  le grand cerisier sauvage sur le talus qui borde le champ de maïs de Roland Laîné. Une légende raconte que le pivert et la huppe se serait rencontrés au cours d’une migration et que cette dernière aurait soutenu le pivert épuisé en le tenant éveillé par ses cris. Pour la remercier, celui-ci lui aurait laissé son ancien nid. C’est depuis ce temps que notre hôte d’été niche dans les cavités creusées au printemps par notre tambourineur à casquette rouge. Petite ombre au tableau : la plus belle fille du monde ne peut offrir que ce qu’elle a. En effet, la belle demoiselle au si joli plumage lâche des pets malodorants dignes d’un putois pour chasser les intrus qui auraient l’outrecuidance de fouiner près de son nid.

Plus petit et plus discret que son grand cousin le pivert, le pic épeichette est plus difficile à observer. Guère plus grand qu’un pinson, il porte la même livrée que son grand frère le pic épeiche. A la casquette rouge, il a cependant préféré une jaune. Son cri est identique bien que moins sonore et on l’entend picorer dans les arbres fruitiers. Bonne aubaine pour le jardinier... il s’empiffrait de pucerons laineux dans les pommiers de Fine Le Pévédic. On dit que son territoire est immense et qu’il lui faut plusieurs centaines d’hectares pour virevolter et picorer.

Le pivert, dessin de Christophe Babonneau.

J’ai ensuite pris la route de Poulguénan en Ploëmel. Armel Le Falher y accueillait le groupe Tilsam. Armel était tout heureux d’accueillir dans sa cour le quatuor, et le décor bucolique était à la hauteur des soirées «Quartiers de Lune». D’ailleurs, l’astre lunaire était au rendez-vous et le coucher de soleil en fond de scène aurait fait pâlir d’envie le meilleur des éclairagistes. Le tracteur et la remorque sur lequel étaient juchés les musiciens, une des premières chaudes soirées de l’été, une musique endiablée auront donné à cette soirée un caractère inimitable et les touristes présents étaient aux anges. Les bonbons gredans de Monique en ont d’ailleurs subi les conséquences : tous les flacons ont été vidés...

Tilsam

J’avais remarqué qu’au rythme des «jigs» et des «réels», un couple d’hirondelles de cheminée effectuaient une chorégraphie effrénée digne de River Dance, en rase-mottes, n’hésitant pas à rentrer et sortir du «ti stal», de la remise toute proche. La raison en était simple : notre couple estival avait maçonné son nid sous les poutres à l’intérieur du bâtiment et la joyeuse nichée réclamait à qui mieux-mieux sa pitance, histoire de se caler l’estomac pour une bonne nuit.

A l’issue du concert, nous nous sommes retrouvés dans la cuisine avec les enfants, les petits et les musiciens pour boire un coup encore une dernière fois à l’amitié, l’amour, la joie... et si on a ainsi fêté nos retrouvailles, çà nous a fait de la peine mais il a fallu que l’on s’en aille.

Dernier à rentrer, j’ai croisé un crapaud, ur tosseg. Le flasque et ventru batracien traversait mollement la route visiblement surpris de devoir éviter tant de voitures. Il est vrai que Poulguénan s’était pris ce soir là pour Bercy.

 Crapaud, dessin de Christophe Babonneau