|
KAFÉ - KATEÙ |
<< Page de la semaine - Chronique >>
C'est ainsi que nous appellerons désormais les bavardages et autres piplétages autour d'un bol de café avec les petits gâteaux, que nous allons organiser pour raviver la mémoire des anciens. Le petit coup de gwinn ru avant et pendant est toléré, voire même encouragé.
Vendredi dernier, j'étais donc à Kerhel chez Léa Eno, la maman de Monique, ravie de nous accueillir dans sa salle à manger. Elle avait invité sa sœur, Paulette Le Berrigaud qui était venue à vélocipède de Kervamentad, un village voisin. Il y avait aussi des amis de Crac'h : Rémi Le Gohébel de Belle-Vue et sa femme, hi vouéz, Marie-Louise née à Crocalan en Carnac, ainsi que André Le Baron, l'ancien couvreur en chaume de Kerivin et sa femme Jeanine. Lucien Poüedras nous avait prêté son dernier tableau, le N° 176, celui sur les foins. Il sentait encore la peinture tellement il était frais, un peu comme un champ de foin sent bon l'herbe verte quand on vient juste de le couper...
Tout ce petit monde était ravi de ce retour sur le vieux temps... le bon temps comme ils disaient, ravi des souvenirs qu'une palette de couleurs vives de saison avait su raviver.
Ah les foins ! on avait du travail. C'était dur mais on y trouvait du plaisir. Quand c'était la saison, on faisait la corvée et on se regroupait entre fermes du quartier pour les gros travaux. Une fois les foins terminés, c'était au tour de la moisson.
«14 Juillet, faucille au poignet»,.. et en septembre, les patates. Il y a des fermes où on préférait aller car pour casser la croûte à 10 heures, on avait une omelette ou des tripes, gage d'un bon accueil. «Cà faisait la réputation de la ferme, mais parfois, on faisait plus de poussière avec le nez qu'avec la fourchette.»
«Nous autres, on parle de çà, c'était dans les années cinquante. Tout était coupé à la faucheuse, mais je me souviens que mon père faisait avant la coupe à la faux. Il partait à quatre heures du matin, avec son ogilhon à sa ceinture, une corne de bête où on mettait du cidre ou bien de l'eau et du vinaigre pour accrocher la pierre quand on aiguisait.»
«Notre dernier cheval s'appelait Pechar, çà voulait dire poivre et sel à cause de sa couleur. Avant il y avait eu Lutteur et Petit».
Chez Marie-Louise, à Crocalan, le cheval avait pour nom Garçon, normal... il n'y avait que des filles à la maison, et cinq en plus...
Marie-Louise, Janine et Monique
«On ratissait avec des râteaux à deux rangées de dents (rastel a plat e vezé laret), endainer qu'on disait çà, on faisait comme des tresses... un coup à babord, un coup à tribord, pour le faire sécher. Le soir on défaisait le tout et on roulait le foin à la fourche pour pas que l'humidité aille dedans. La chaleur du jour le séchait la nuit de l'intérieur. Y'avait plus qu'à recommencer le lendemain.
Quand c'était sec, on ramassait tout çà : un sur le haut de la charrette et un de chaque côté à la fourche. Après, il n'y avait plus qu'à le passer par la lucarne et le maher comme on disait, le tasser dans le fond. Avec la chaleur et la poussière, on était obligé de boire un coup... du cidre pour les hommes et du café pour les femmes.
Le soir, on faisait le guignol. On était jeunes. On branchulait les filles et – comme disait Madeleine en riant de bon cœur – mon mari était un vrai salopard pour faire çà».
Pour rassurer nos fidèles lecteurs, je tiens à préciser que le branchulage ne consistait qu'à prendre les jeunes filles par les pieds et les aisselles pour les balancer en leur faisant «toucher trois fois le cul par terre... les gars aimaient çà, comme çà on voyait leur culotte»
«Parfois, on garnissait aussi les filles, j'ai vu garnir la grande Fine de Kergoho et mon oncle Pierre de Kerniolen».
Une fois encore, je tiens à rassurer tout un chacun. Le garnissage consistait à engloutir un jeune couple sous des gerbes de foin. Libre à eux d'en sortir... ou d'y rester.
Beteg er gwezh kentañ (A la prochaine, si vous préférez).
<< Retour en haut de la page << Page de la semaine - Chronique >>