POLYCULTURE |
"LA MAISON DU BOUT DU MONDE"
Message
n°6
Reçu le 5 mai 2002 de Chantal
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Bonjour les enfants,
Je m’excuse du retard mais nous avons eu quelques problèmes techniques. Il n’est pas évident de trouver une cabine téléphonique au fin fond de la taïga. Les distances sont énormes, la forêt est immense, les routes ne sont pas terribles et, même si tout se passe bien, le voyage est très fatigant. Les routes sont toujours toutes droites et parfois on se prend à rêver de petites routes de campagne avec des maisons et des villages, des vaches en train de brouter et... de quelques virages. Histoire de rompre la monotonie. Cathy est très rêveuse. En fait, elle savoure cette épopée, ce grand voyage. Peut-être imagine t’elle la yourte plantée au milieu de son jardin là-bas dans les Alpes... comme une antre magique où ses petits–enfants à venir viendront se cacher et ranger leurs trésors glanés dans la campagne alentour...
Nous avons traversé la ville d’Irkoutsk pour filer sur Krasnoïarsk. La nuit dernière, nous avons eu une crevaison... Une de plus. Sacha et Baïr ont changé la roue mais il va falloir faire réparer le pneu crevé. Ce n’est pas évident de trouver un garage car nous traversons des villages d’isbas qui ressemblent à des villages morts après 10 heures du matin. Ces villages ne sont chauffés que le matin au réveil et ensuite seulement le soir pour les deux repas principaux. Aucune isba n’a de l’eau courante et tous les villages ont un puits. Rassurez-vous, l’eau est fraîche et on n’a pas besoin de glaçons... Les maisons sont petites et l’isolation est faîte avec du lichen et ça ne fonctionne pas trop mal.
On a enfin trouvé un garage. On n’est pas chez Midas. Les petits réparateurs de pneus travaillent dans des réduits de tôle recouverts de zinc. Les routes sont tellement défoncées qu’ils ne sont pas près de se retrouver au chômage.
En attendant la réparation, Slava nous a fait une soupe. Toute la troupe s’est réunie dans la «gazelle» dont il a laissé tourner le moteur, histoire de se tenir plus au chaud. Ce n’est pas le grand confort mais on est mieux là que dehors : «Mange ou tu vas mourir gelée» me dit Slava. Il n’est pas question de rester à l'extérieur sans se couvrir la tête : «tu ne te rends pas compte, en quelques secondes tu peux perdre une oreille.»
Nous sommes arrivés à Krasnoïarsk, ville fermée jusqu’à la pérestroïka. Avant on y fabriquait des missiles nucléaires. Actuellement, on se croirait dans la capitale du pneu : les trottoirs en sont jonchés. Les gens ne sont plus payés alors chacun essaie de se débrouiller en vivant de combines et en vendant tout ce qui se fabrique ou que l’on a sous la main.
Vues de Krasnoïarsk (images de promotion touristique)
La région reste très surveillée et il y a des contrôles de police à chaque passage dans une nouvelle région. Nos amis bouriates font à chaque étape des offrandes à leurs dieux. Pour eux, même si l’homme est fort, il n’est qu’une toute petite partie dans la nature. Il faut donc se protéger en apaisant les mauvais esprits et en faisant des offrandes aux dieux protecteurs.
Slava, comme à chaque étape envoie un morceau de pain, de biscuit ou une cigarette aux esprits du lieu. Dans cette région du monde, les gens ne font pas n'importe quoi. Il s’agit de gestes et de pratiques ancestrales transmises de génération en génération. Après tout, chez vous en Bretagne, beaucoup de gens mettent des cierges à Saine-Anne et d’autres encore jettent des pièces dans les fontaines en porte-bonheur.
Nous avons trouvé pour cette nuit, un petit motel qui date de l’ère communiste avant de reprendre la route vers Novossibirsk. Le confort laisse à désirer, la chambre est austère, monacale, d’une laideur absolue. On dirait qu’ils ne connaissent pas la tapisserie dans ce drôle de pays. On se croirait dans une prison : le plafond est très haut et il faudrait mesurer plus de deux mètres pour jeter un œil par la fenêtre. Pourtant, le tarif est exorbitant, 70 roubles la nuit ! le lit en fer est tout défoncé, les draps pas assez longs, pas assez large... D’une paire, ils en ont sûrement fait deux...
Gros bisous à tous. Chantal
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